Contrairement aux rongeurs, les chauves-souris ne donnent naissance annuellement qu’à un unique (rarement deux) bébé. Chez la plupart des espèces jurassiennes, les femelles se retrouvent au début de l’été par groupes fidèles pour mettre bas et élever leurs jeunes ensembles. Elles utilisent alors des gîtes dits « de mise-bas », aussi appelés « nurseries ». Ces gîtes sont très différents de leurs gîtes d’hibernation, puisque le développement des petits nécessite des températures relativement élevées. On retrouve donc certaines espèces dans les parties chaudes des toits (entretoits, combles, etc.), d’autres dans les arbres (anciennes loges de pics, sous des écorces, etc.).

Dans le canton du Jura, nous connaissons plus de 230 nurseries, toutes espèces confondues. Cette connaissance est très lacunaire pour les espèces forestières, car les gîtes forestiers de mise-bas sont plus difficiles à trouver, moins côtoyés par l’humain, et les chauves-souris y sont moins fidèles et passent plusieurs fois dans la saison d’un arbre à l’autre selon la température. Dans les bâtiments, les chiroptères sont généralement plus fidèles à leur nurserie. Il est important d’effectuer un suivi de ces colonies afin de garder un aperçu de la santé des populations locales. Chaque année, nous comptons donc certaines colonies pour avoir une idée de la variation de leurs effectifs.

Les nurseries en combles sont généralement comptées sur photo. Cela permet un dérangement bref, et facilite le comptage par rapport à un comptage à vue. C’est principalement le cas dans les grandes colonies, car même en journée les chauves-souris sont actives et se déplacent dans le gîte. Ce type de gîte concerne souvent les Petits Rhinolophes (Rhinolophus hipposideros), les Grands Murins (Myotis myotis), les Oreillards roux (Plecotus auritus) et les Murins à oreilles échancrées (Myotis emarginatus).

Les chauves-souris sont des espèces très sociales. On les observe très souvent agglutinées les unes aux autres dans les colonies. Nos plus grandes colonies, qui comptent plusieurs centaines d’individus, forment alors de relativement vastes tapis compacts, comme ici dans l’une des plus grandes colonies de Grands Murins du canton.

Les chauves-souris passent leurs journées à dormir, se toiletter, sociabiliser, allaiter, etc.

La plupart des colonies comptent cependant moins de 50 individus, parfois même moins d’une dizaine, comme c’est le cas notamment chez les Oreillards roux.

Même dans les nurseries à petits effectifs, il est toujours difficile d’observer les jeunes car ceux-ci sont toujours bien protégés à l’intérieur de la grappe formée par les adultes. Ici deux bébés Oreillards roux âgés seulement de quelques jours ; leurs yeux ne sont pas encore ouverts.

Pendant leurs premiers jours, les bébés chauves-souris passent l’essentiel de leur temps accrochés au ventre ou aux flancs de leur mère. On peut alors les deviner à travers les membranes alaires des adultes qui épousent la forme de leur progéniture, comme ici avec cette femelle de Grand Murin.

Les bébés chauves-souris naissent sans poils, et sont donc très vulnérables à la déperdition de chaleur pendant quelques jours au moins, surtout lorsque leur mère est en chasse, comme ici ces jeunes Oreillards roux. C’est la principale raison pour laquelle les chiroptères établissent leurs nurseries dans les parties chaudes des bâtiments.

D’autres espèces comme les Petits Rhinolophes s’agglutinent moins souvent. Sur ces deux clichés, on devine les jeunes déjà relativement grands, crochés aux ventres de leurs mères.

Les nurseries en entretoit n’étant pas visibles en journée, nous les comptons le soir, à l’envol. Chaque début de nuit si les conditions météorologiques sont propices, presque toutes les femelles partent chasser, laissant leur bébé à un seul adulte qui reste au gîte, avant de revenir pour les allaiter. C’est le cas notamment des Pipistrelles communes (Pipistrellus pipistrellus), des Sérotines communes (Eptesicus serotinus) et boréales (Eptesicus nilssonii) et de la plupart des nurseries de petits murins tels que le Murin de Daubenton (Myotis daubentonii) et à moustache (Myotis mystacinus).

Les nurseries en fissures sont les plus difficiles à observer. Des très petits volumes, d’un seul centimètre d’épaisseur parfois, suffisent à ces espèces, comme ici des Pipistrelles communes (Pipistrellus pipistrellus) derrière un écriteau en bois.

Les colonies en entretoit sont donc comptées à l’émergence, c’est-à-dire lorsque les adultes quittent la nurserie en début de nuit pour aller chasser. Cet extrait d’un compage pris à l’aide d’une caméra thermique, montre des Grands Murins à l’émergence.

Dans le canton du Jura, nous connaissons des nurseries des neufs espèces mentionnées dans cet article. Nous savons cependant que d’autres espèces mettent bas sur le territoire jurassien, sans pour autant connaître leurs gîtes de mise-bas. C’est le cas par exemple des Murins de Bechstein (Myotis bechsteinii) et de Natterer (Myotis nattererii), qui ont été observés sur leurs terrains de chasse ou après la période de mise-bas avec des indices de reproduction (femelles gestantes, allaitantes ou ayant eu un bébé dans l’année). Pour d’autres espèces encore, il est possible voire probable qu’elles donnent naissance à leurs jeunes dans le canton, mais nous n’avons pas de preuves suffisantes pour l’affirmer.

La liste des nurseries que nous connaissons étant cependant déjà longue, nous les classons selon des critères de priorité pour nous aider à répartir efficacement nos ressources, ceci afin de les protéger au mieux. Ces priorisations sont faites communément avec le reste de la Suisse pour une conservation optimales de ces espèces. Par exemple, dans notre canton se trouvent les deux plus grandes nurseries de Murin à oreilles échancrées, une espèce qui ne se reproduit, en Suisse, que dans les cantons du Tessin et du Jura. Notre responsabilité vis à vis de la Suisse est donc grande pour la conservation de cette espèce.

Bien que dans la majorité des cas une colonie de mise-bas dans un bâtiment passe inaperçue, dans certains cas la présence d’une nurserie peut occasionner quelques dérangements, surtout dans les cas de grandes colonies. En sus du suivi de colonies, notre travail consiste à contribuer à et favoriser la cohabitation des chauves-souris et des humains ; des solutions existent généralement pour résoudre les éventuels problèmes. Nous sommes donc gratuitement à disposition du public pour répondre à des questions, donner des conseils, etc. N’hésitez pas à nous contacter, nous sommes-là pour ça !